Helene la pétrographe – blocs dans les Pyrénées

Ils sont enfoncés là, immuables on dirait. Depuis qu’un mouvement de croûte terrestre les a fait affleurer ils ont été façonnés par des million d’années, cryo-fracturés, hydro-usés, végétalement sanctifiés. Ici, au moins, ce n’est pas le réchauffement climatique qui les a fait se dissocier de géants sommets. Ici, à 900 mètres d’altitude dans la vallée de Vicdessos, les montagnes sont bien trop douces, trop voluptueuses, terreuses et pas assez rocheuses pour les avoir fait débouler.

De bien belles âmes, armées de brosses en ferrailles en ont décollé le petit matelas vert sous lequel ils cachaient leur dureté. Mettant à nu toute les facettes de leur caractère impénétrable : subtiles aspéritées grenues , cachou de quartz, gratton de mica use-chausson, feldpath fissurés par les contorsions d’une vie à se laisser porter par des forces ambiguës.

La puissance de la nature a créé ces formes vénérées par les “ouvreurs” qui, comme des cro-magnons en jean fluo, tentent des sanctuariser la beauté des mouvements qu’elles nous proposent sur les parois des murs des salles de bloc urbaines que je fréquente un peu trop.

Du matelas sur-épais au rebords d’un pan poussiéreux, le grimpeur des salles n’a qu’à repérer les lignes de résine, leur forme, leur orientation pour se lancer et sortir son bloc.

Dans une forêt, posée sur un matelas épais aussi mais fait d’orties, on réapprend à lire, mais pas la lecture conventionnelle, celle apprise en primaire et qui nous permet juste de lire les topos, d’y repérer des quotations flattant l’égo (surtout celui des autres), on apprend à lire la pétrographie ! Cette science dont les grimpeurs sont adeptes sans même en avoir conscience et qui nous permet de lire le rocher et de nous inventer des histoires, dont nous sommes les héros. Une science d’autant plus agréable et prometteuse qu’elle est participative. Pas besoin de topos, juste besoin de connaître ses propres forces et faiblesses et surtout de s’entourer de belles personnes qui viendront compléter l’attirail de techniques et stratagèmes,

 

 

Cet été, elles sont comme par magie sorties de dessous un rocher, Yuka et Yona, pas des elfes non, mais un couple de finlandais, venu naturellement apposer leur crash-pad à celui de Patrick, notre co-grimpeur allemand, acheminé dans un vieu van de La Poste délavé à l’intérieur boisé et parfaitement agencé, protégeant de zippettes potentielles ou vécues (comme celle qui fait me sentir aussi souple d’un granite depuis 10 jours).

Et s’ils nous ont entouré, ce n’était pas pour nous cerner et chaparder le bleu de Bethmale qu’on avait emporté pour le pique-nique, les bras tendus vers la cime ils ne tentaient pas de nous attirer dans une secte mais juste d’anticiper et de parer nos chutes.

De leurs “ouba ouba” ils nous encourageaient dans les moments où l’on se sentait bien seuls, face contre roche, corps au plus près de ce magma figé, laissant juste au sensation un court laps de temps pour trouver la prise qui nous sortirait de muscles en fusion.

 

Ensemble, avec nos différences, déconstruisant nos préjugés géologiques par la co-créativité,  nous ouvrions les routes, résolvons les problèmes de la façon la plus élégante qui nous le pouvions.

 

 

 

Le bloc, en naturel comme en salle est l’activité la plus attachante qu’il soit.

Il suffit d’un conseil, d’une réflexion communes pour créer un nouveau lien dans la communauté et faire d’étrangers des équipiers.

 

Autres lointains souvenirs lithographique:

La pointe de l’Eissadon

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