Un art de vivre aqueux

L’eau est définitivement un art de vivre au Pays-Bas et tout art nécessite de la mesure, du discernement, un certain degré d’intelligence émotionnelle : ici, le flegmatisme. Le novice, l’enfant gâté de la météo, n’atteindra peut être jamais le niveau requis.

Les weekends de déluge, où après une semaine passée assise devant son gagne-pain numérique, on crie à l’injustice de voir ses envies de balades noyées sous les trombes, il faut juste réussir à accepter que sans les caprices de l’eau, la beautée d’Amsterdam n’existerait que dans l’imagination de conteurs amusés par l’idée d’une ville construite sur l’eau :  Amsterdam n’existerait pas, des journées comme celle d’hier n’existeraient pas.

Du brunch sabbatique au derniers rayons calorifiques du soleil, nous avons tangué sur le bateau du capitaine Marco.

Le bateau comme le vélo à sa place partout à Amsterdam, non loin de notre quartier nous avons passé les derniers moment terre à terre de notre journée sur un petit embarcadère à l’ouest de la ville avant de mettre de cap sur le lac de Sloterplas en passant par le parc Erasmus.

Au raz de l’eau, nous avions une nouvelle perspective sur notre quartier et de sa mixité sociale en voie de sombrer, comme partout ailleurs, dans les abysses de la folie immobilière. Sur le bords des canaux de De Baarjses, les bateaux peuvent être très beaux ou complètement sous les eaux, ils peuvent vous emmener sur les mers, intérieures, ou  juste sur le lac à côté à quelques coups de pagaies.

Les squats sont nombreux, une barque abandonnée remplie des pluies passées, de quelques déchets et les poulettes des eaux y établissent leur petit nid douillet. Un nid composite, recyclant les plastiques qui sont particulièrement nombreux à flotter après la débauche de King’s Day, l’anniversaire de notre bien bon roi qui nous gracie d’une journée de travail pour trinquer à sa santé.

Chez nous dans le quartier « so 30’s » De Baarjes

 

Pour prendre le temps de pique-niquer, nous avons jeté l’ancre dans un magnifique et peu fréquenté lac, si proche de chez nous à vol de canard. Ce temps nous aurions pu le prendre dans l’écluse, le sas qui nous faisait passer des mur de la ville resserrée et à ses grands espaces moins confinés. Nous avons dû y passer une bonne heure au total, attendant, le bateau accroché à ses flancs que l’eau y monte ou y descende alors que notre humeur flemmarde, elle, s’était stabilisée depuis longtemps.

Le calme du lac, où seul un couple de retraité cultivait son teint hâlé sur un rafiot arrimé accosté aux saules en pleurs, était salvateur, nécessaire avant d’aller se frotter la coque contre les frasques des canaux touristiques et de la haute société endimanchée.

Au lendemain du jour du souvenir, les canaux Du Jordan jusqu’au Plantage étaient bordés de quelques roses posées sur les plaques commémoratives qui rappelaient que des enfants qui y patinaient il y a 80 ans, parce qu’ils étaient juifs, ont péri dans les camps de la mort. 

 

 

Nous voulions nous diriger vers de plus larges espaces, éviter les enterrements de vie de jeunes (kitchs) espérant que le mauvais gout aller etre enterré avec le marriage, éviter les pédalo à la manoeuvre non aisée, éviter de se sentir trop « normal » dans nos habits du samedi (qui sont aussi ceux du lundi) à coté des des petits pull-overs proprets et chemises blanches trop bien repassées.

Mais l’accès à l’Amstel était coupé par la police fluviale. Le concert de célébration de la libération s’y préparait. Alors nous avons continué à naviguer au hasard, tentant d’éviter les embouteillages au croisement des canaux.

 

 

Apercevant les ailes flamandes du seul moulin qui transforme l’énergie éolienne en bière, en bière bio qui plus est,  j’ai suggéré un abordage de la brasserie pour remplir notre cale d’Ij Witte (ma bière blanche du vendredi soir) mais nous n’étions pas les seuls plaisanciers à avoir cette envie et son petit ponton était pris d’assaut.

 

C’était l’heure à laquelle le soleil n’est plus assez haut et le moment où il faut chercher la chaleur dans les verres de l’apéro.

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