La semaine dernière, en cours de Néerlandais, nous avons appris le nom des saisons. La question de Roos, notre prof, “Comment s’appelle la saison qui vient après l’hiver?” était une perche tendue à une bande de jeunes étrangers qui répondent d’une seule voix pleine de mauvaise foi : “l’automne”.
Car leur foie, il souffrait encore des séquelles du weekend passé sur les pelouses des Rembrandt ou Vondel Park, à Lézarder au soleil. Oui, les pelouses étaient encore marécageuses et mes collègues en nus-pieds tout neufs grimaçaient pour rejoindre notre étendue de pique-nique, mais le printemps est bien là, et le tout Amsterdam sirote son eau chaude à la menthe sur les bancs dépliés le long des murs des cafés.
Les oiseaux paradent, nous réveillent par leurs gazouillis, les cigognes sont arrivées sur les toits d’Amsterdam. Les arbres de nos voisins fleurissent leurs jardins.
Quant à moi, mon teint se fait de moins en moins flamand et je développe une nouvelle passion, un amour sans concession, pour mon balcon, m’y poser avec livre, thé et spéculoos pour moquer les chats maladroits et leur miaulement mélancoliques.
Bronzer oui mais bronzer utile c’est mieu. Si nous avons atterri à Amsterdam c’est par idéalisme mais aussi pour le goût de la nouveauté, de la découverte, alors on n’allait pas rester assis là à observer les patés de sable d’architectes rationalistes de De Baarjses et sommes partis sur nos vélos pour une boucle jusqu’à Edam en passant par Zaandam pour revenir via l’Amsterdam boréal et les Waterland qui le bordent.
Zaandam donne l’impression d’être un village Hollandais reconstitué par un promoteur immobilier chinois pour fournir un semblant d’Europe à ses concitoyens, son appel ostentatoire à la consommation me mettait mal à l’aise. Mais au Pays-Bas, on n’est jamais qu’à quelques circonférences de roues près de prairies humides et calmes qui ne voient traîner en leur bordure que les cyclistes non las des kilomètres parcourus en semaine, les marcheurs lassés des selles et les cavaliers posés sur une bien plus large.
Très vite nous nous sommes retrouvés à De Haal. Un village résidentiel, où les maisons de briques et les chaumières sont entourées de douves, à chaque foyer sa passerelle qui le protège d’une attaque latente du sentiment de promiscuité, celle là même qui a déjà déferlé sur les hollandais des villes.
L’eau est partout, mais elle n’a pas creusé de lits, l’homme l’a fait pour elle avec son équerre et son mètre. Ce conformisme topographique, n’oppressent pas les oiseaux migrateurs. Dans les roseaux bronzés du polder, les plumes nivéennes des grandes aigrettes, qu’un Amstellodamois, ornithologue dilletant, prendrait pour un héron albinos, rayonnent.
Il y a autant de pistes cyclables que de canaux. Fier de leur génie civil, les néerlandais ont numéroté chacune d’entre elles, chaque intersection, comme des reproductions d’oeuvre d’art. Nous suivons celle qui mène à Edam jusqu’à ce que nos guidons tremblent sur les pavés de cette ville du 14e siècle.
Nous retrouvons des touristes mais pas suffisamment nombreux pour troubler le calme des habitants des petites maisons qui bordent les canaux. Les seuls embarcations qui naviguent sont à peine plus grande que des barques et pilotées… par des enfants qui jouent comme à leur âge on le faisait sur une trottinette.
Ij-Dam, la digue sur l’Ij est jumelée à Volendam commune portuaire de la Markermeer
Je ne sais pas ce qui est le plus triste : qu’un port n’est pas réellement d’accès au grand large, la Markermeer est fermée par une digue, ou qu’il soit devenu un parc à thème où l’on peut sans honte jeter des frites pleines de mayonnaise aux mouettes, faire un tour de ferry avec costume traditionnel et sans même lever les yeux pour se rendre compte que les façades du moyen-age ont été massacrés par les devantures de boutiques souvenirs et de vendeurs de gaufres.
Nous comptions prendre le ferry pour traverser la mer, rejoindre l’île de Marken et poursuivre notre route jusqu’à Amsterdam. Le seul ferry qui allait sur Marken était celui des touristes, avec à son bord une musique tonitruante, collé à chaque siège le menu “mal-bouffe” proposé à bord et bien sûr un tarif exorbitant. Mais nous voulions faire cette boucle, finir en beauté nos 60 bornes, alors nous sommes montés à bord.
Notre regards portaient sur une mer plate, comme le pays, à peine ondulante au passage des skutsjes, bateaux à fond plat, typiquement hollandais donc, voiliers des canaux ou péniches des mers intérieures.
L’arrivée au port avait un air de scandinavie, du moins ce que j’en imagine avec ses maisons en bois vertes, noires et blanches.
Désormais protégées des grandes marées par la digue, les rez-de-chaussé sont descendus d’un cran, les maisons autrefois sur pilotis ont donc un rez-de-jardin de brique et deux étages de bois.
Ses jardins sont vivants, de bricoleurs du weekend, d’enfants jouant à se faire peur en faisant les équilibristes au bord des canaux, de chèvres bien portantes ses rues sont désertes, sauf quand un bus “Sightseeing tour ” débarque d’Amsterdam
Avec les éclaircies tant attendues, Marken aurait pu être le sommet sous le niveau de la mer de notre journée.
Une étroite piste cyclable en brique et herbes folles partait du port et longeait la mer, son état cabossé et mal entretenu sortait du cadre trop policé, mais bien pratique, des balades en vélo hollandaises mais rapidement elle rejoignait la digue qui reliait Marken aux terres des Waterlands. Et qui dit digue dit route et piste cyclable en or avec d’un côté la mer, de l’autre la mer.
A la première intersections après les éoliennes un panneau indiquait “gauche : Amsterdam 3 km”, “tout droit : Amsterdam 6 kilomètres”. J’étais bien étonnée car j’en avait compté plus de 25 le matin même sur l’Internet de Google, les géomètres des chemins de traverses néerlandais seraient donc faillibles. Le hasard est le meilleur ami du voyageur, c’est toujours lui qui nous fait découvrir des endroits inespéré et qui finalement ouvre l’esprit de celui qui se met en chemin. Alors nous l’avons suivi.
Il nous a mené sur une autre digue, moins bétonnée, où la Markermeer rejoint l’Ijmeer, où s’il n’est pas étonnant de n’avoir pour horizon que de l’eau sur notre gauche, il l’est plus sur notre droite. Et pourtant, les Waterlands ce sont des terres, des canaux, des étangs des marécage et finalement beaucoup d’eau.
Le village au bout de la digue porte bien son nom “Uitdam” : littéralement “Sortie de Digue”. Des deux côtés de la route des maisons, toutes plus chaleureuses les unes que les autres.
Au milieu de la route, des voitures certes mais très peu, des moucherons : par nuages entiers, ils viennent se coller à nos larmes, trouver refuge dans nos narines et contrarier notre régime végétarien. On les voit de loin, sur le point de les fendre la seule solution est de fermer les yeux, la bouche et de ne plus respirer.
J’espère au fond de moi que ces indésirables font baisser le prix de l’immobilier car depuis que nous roulons nous traversons des villages idylliques dans lesquels je m’installerais bien, si proche d’Amsterdam.
Cela fait trois mois que nous sommes là et nous ne savions pas que, face à mon bureau, de l’autre côté de l’Ijmeer se trouve le paradis.
Le paradis des Grèbes Huppées qui ne sont dérangés que par ces deux Français sur vélos dans leurs danses nuptiales printanière. Le paradis des gens huppés en réalité. Chaque village possède son port de plaisance et après vérification il s’avère que ces petites maisons sont hors budget, peut être pourrions nous nous en offrir une demie, tant pis.
Nous continuerons à profiter des avantages et inconvénients de la vie au coeur d’une capitale européenne pédalant au hasard pour rejoindre nos petits paradis de découverte à nous.
je vois que tu progresses en néerlandais ………..^^
vu de plus près, l’arbre du voisin est un magnolia
que de beaux paysages !!! j’adore !!