Ce voyage au Ladakh à l’été 2016 fut l’occasion de découvrir de près une architecture économe en ressources naturelles et adaptée à son environnement climatique. Heureux hasard, Lyon ayant été « Capitale de la terre » en 2016, j’avais pu au préalable découvrir l’architecture en terre crue, qui se trouve être le matériau de construction traditionnel au Ladakh. Cet article traitera donc principalement de ce type de construction. L’objectif de cet article reste modeste, à savoir faire découvrir l’architecture du Ladakh, et notamment la construction en terre.
Construire en terre ?
Les Hommes ont toujours bâti leurs habitations avec les matériaux se trouvant à proximité de leur lieu d’implantation. C’est ce qui a donné la diversité architecturale que nous connaissons à travers le monde. Dans le cas de la construction en terre, il s’agit de faire au plus simple en construisant des bâtiments avec la terre présente sur le lieu de la construction. C’est donc un mode de construction éminemment écologique, la terre étant une ressource locale, ne nécessitant pas d’énergie pour sa transformation et pouvant retourner à son état original sans dommage pour l’environnement1.
Nous parlons ici de construction en terre crue, c’est à dire que la terre utilisée est d’abord humidifiée puis mise en forme et sèche ensuite à l’air libre. La construction en terre a la particularité d’à la fois réguler la température du bâtiment par inertie thermique et de maintenir une humidité intérieure acceptable en toute saison en absorbant l’humidité de l’air.
Il est à noter que selon les cultures constructives, la maison n’est pas intégralement réalisée en terre. Si les murs le sont toujours, le climat pluvieux ou humide peut nécessiter des fondations (en pierre par exemple) et un toit en d’autres matériaux afin de protéger l’édifice en terre.
La méthode traditionnelle ladakhie
La technique de construction traditionnelle utilisée historiquement au Ladakh était le pisé, pour lequel la terre faiblement humide est compactée par couches successives.
Les seuls anciens bâtiments en pisé visible aujourd’hui sont en ruine, dû à leur âge, comme le monastère de Basgo datant des 16ème et 17ème siècles.
Les maisons traditionnelles contemporaines du Ladakh sont quand à elles bâties selon le principe de l’adobe, c’est à dire la brique de terre crue. La terre (tamisée pour en ôter cailloux et graviers) rendue visqueuse par l’ajout d’eau est placée dans un moule qui permet de lui donner la forme souhaitée et elle est immédiatement démoulée pour permettre à la brique de sécher.
Nos trois semaines passées à Merak en juillet ont été l’occasion d’assister notre hôte dans la construction d’une extension de sa maison réalisée justement en briques de terre crue. Le chantier étant déjà avancé, nous avons participé à la fabrication de briques de terre crue mais aussi à l’application d’enduit (également à base de terre) à l’intérieur et sur certains éléments extérieurs de la maison. Les briques étaient assemblées avec un mortier, de terre lui aussi. La terre servant à la fabrication des briques n’était pas prise sur le site de la construction à proprement parler mais un peu plus loin, là où le sol était plus argileux et moins sableux.
J’ai qualifiée la maison construite par notre hôte de traditionnelle, de part l’emploi de techniques anciennes pour la construction : briques de terre, enduit en terre, sol en terre battue et plafond en poutres de bois et branches. Néanmoins, des fondations en pierre ont été réalisées, et la maison fut construite sur un socle en ciment armé de tiges de fer.
Les maisons 100% traditionnelles du Ladakh sont faciles à réaliser en autoconstruction, comme dans le cas de notre hôte mais ne sont pas forcément optimisées du point de vue énergétique, surtout en hiver. En effet, si de grandes fenêtres sont prévues au sud pour capter le maximum de chaleur solaire cela s’avère insuffisant pour le confort thermique nocturne et un poêle doit être utilisé pour le chauffage, ce qui permet de ne chauffer qu’une seule pièce.
L’architecture bioclimatique moderne ladakhie
L’architecture bioclimatique est le fait de concevoir des bâtiments en se basant sur les particularités climatiques du lieu de construction, pour allier sobriété énergétique et confort des occupants. La principale particularité du Ladakh est son ensoleillement abondant lié à son statut de désert d’altitude. De retour de Merak, nous avons donc eu l’occasion tant attendue de visiter le campus de SECMOL3 à Phey (dans les environs de Leh). Ce campus est un exemple d’architecture bioclimatique moderne mais basée sur les techniques traditionnelles ladakhies, qu’on pourrait qualifier de LowTech en opposition à la haute technologie que nous connaissons tous.
Le campus de SECMOL, réalisé à base d’épais murs en pisé comme les anciens forts et monastères de la région, est ainsi chauffé par apport solaire direct grâce à de grandes baies vitrées orientées au sud. Diverses serres permettent en outre de stocker le jour de la chaleur à restituer dans les bâtiments la nuit. SECMOL assure que ces méthodes, associées à une bonne isolation permettent une température moyenne en hiver de 14°C à l’intérieur quand il fait aux alentours de -20°C à l’extérieur.
Les innovations LowTech du campus concernent non seulement la construction mais aussi toutes les activités qui nécessitent un apport d’énergie, comme cuisiner par exemple. Les bâtiments de cuisine disposent ainsi de miroirs qui focalisent les rayons du soleil directement sur une casserole dans la cuisine, à travers un trou dans le mur. Dû à l’ensoleillement intense du Ladakh, les étudiants nous faisant visiter le campus nous ont expliqué que cela suffisait à faire bouillir de l’eau.
Je dis les étudiants qui nous on fait visiter le campus, car SECMOL est bien plus qu’un ensemble de bâtiments écologiques, c’est avant tout une organisation qui a pour but d’améliorer les conditions d’éducation au Ladakh. Le campus présenté ici accueille une école de la deuxième chance pour des étudiants ayant raté leur examens obligatoires pour continuer leurs études (l’équivalent de collégiens qui auraient raté leur brevet et ne pourraient pas aller au lycée). Les étudiants gèrent eux mêmes la vie en collectivité et reçoivent un enseignement à la fois académique et pratique, incluant jardinage, traite des vaches et gestion des panneaux solaires qui alimentent le campus en électricité. Ils en sortent parfaitement formés pour appréhender le contexte changeant du Ladakh, entre tradition et mondialisation. Cette visite à SECMOL fut dont très inspirante, en prouvant s’il en était besoin que les enjeux écologiques, éducatifs, économiques et sociaux sont intimement liés, comme de nombreux autres exemples au Ladakh le démontrent (ceci mériterait d’ailleurs largement un article…).
Pour aller plus loin
Le domaine de la construction bioclimatique ou en terre est infiniment plus vaste que ce qui a été présenté ici, j’ai eu l’occasion d’en avoir un aperçu lors d’une conférence donnée à Lyon par le laboratoire CRAterre dont je vous incite à explorer le site internet (http://craterre.org/). Il existe aussi un inventaire des constructions en terre de la région Rhône Alpes pour se convaincre que cette technique est tout aussi applicable « ici » (http://patrimoine-terre-lyonnais.patrimoineaurhalpin.org/).
Notes
1Source écohabitation
2Source tinyhousedesign
3Students’ Educational and Cultural Movement of Ladakh http://www.secmol.org/
bel article, très clair et plein d’enseignements écologiques et humains !!
merci Romain !!
Tout à fait d’accord avec Béatrice. Merci pour ces explications précises sur la construction en terre crue. Ça donne envie de creuser le sujet pour en savoir encore plus !
Tu as clairement passé la vitesse supérieure de la maison en terre là!
A quand la tentative dans la région? 🙂
En tout cas, bon article, tout aussi intéressant que les précédents.