Si tous les chemins mènent à Rome, au moins deux mènent à Chucksang en partant de Gueling. Tous deux passent par Syangmocchen mais, alors que l’un emprunte des sentiers battus, l’autre entraîne le randonneur vers les profondeurs ocres d’un canyon inattendu.
Après une semaine à fouler la rocaille des sentiers, marcher sur des plaines désertiques où seuls les chörtens bâtis par les dévots apportent leur ombre salvatrice, la fraîcheur pourvue par ces entrailles de pierre donnent l’impression d’avoir quitté la rudesse de plateau Tibétain.
Ce havre de fraîcheur abritant du vent et de la chaleur sèche d’un soleil qui, à eux seuls pourraient vous transformer en être humain lyophilisé, semblait annoncer une vivifiante balade. Mais il s’agissait là d’un leurre la nature qui, comme pour mieux piéger les randonneurs une fois au centre de ce paradis perdu, leur demande les plus grands efforts pour en sortir.
La veille, Tula, notre guide, nous avait laissé le choix de notre itinéraire en décrivant les deux du mieux qu’il le pouvait mais sans bien sur chercher à nous décourager ou à nous imposer son point de vue. C’est ainsi qu’il nous présenta les alternatives : un chemin difficile “qui monte comme ça et qui descend comme ça” qu’il nous décrivit en inclinant la main à 45° dans un sens puis dans l’autre et un chemin plus facile, avec moins de dénivelé qu’emprunteraient Mané et Kansa.
Notre troupe fût donc scindée en deux pour la première partie de la journée, David, Tula et moi d’un côté et JM, Isa, Mané et Kansa de l’autre. Nous devions nous retrouver pour le déjeuner dans un village où nous avions déjà fait une halte à l’aller.
David et moi sommes partis, accompagnés de Tula, pour la partie “qui monte comme ça et qui descend comme ça” avec pour objectif de visiter une grotte sacrée autrefois occupée par la star Padmasambava, qui ,il y a 13 siècle, a parcouru l’Asie Centrale pour y répondre le bouddhisme tantrique.
Peu après avoir passé Syangmocchen nous entamions notre voyage au “centre de la terre”. Même dans ce canyon on trouvait des katas enguirlandant le peu de végétation ayant réussi à se faire une place à l’ombre.
Entrée du canyon
Les vautours tournoyaient au dessus de nos têtes. Tandis qu’à nos pieds leur progéniture tombée du nid semblait aussi étonnée que nous de notre rencontre fortuite.
Plus loin, quelques cervidés jouaient les équilibristes sur les parois abruptes des falaises sur lesquelles, sans l’oeil de sphinx de Tula, ils seraient passés inaperçus.
Après la longue descente dans ce dédale, nous aperçûmes enfin la grotte en haut d’un immense escalier taillé dans la roche.
Sortis de notre cocon naturellement climatisé, la chaleur se fit très vite éprouvante. A mi-chemin, Tula épuisé, assoiffé, s’allongea quelques instants nous laissant David et moi prendre de l’avance.
Là haut se trouvait un vieil homme, complètement sourd, qu’on sentait épuisé. Il s’agissait du gardien de la grotte vivant seul dans sa petite maison aménagée dans la cavité. Il n’y possédait rien, seul un petit potager et un tuyau sorti de nulle part lui apportant l’eau nécessaire à son irrigation.
Tula nous indiqua que l’homme vivaient là en autarcie attendant les rares personnes de passage et que les habitants des villages les moins éloignés le ravitaillent.
La grotte de Rangchyung
Dans cette grotte, que la présence du Guru Rimpoché, autre nom de Padmasambava, avait rendu sacrée, on pouvait voir de nombreux chörtens naturellement sculptés dans la matière minérale et recouverts de drapeaux et tentures aux signes auspicieux.
La grotte de Rangchyung
Redescendus de la grotte nous étions encore d’humeur goguenarde, persuadés d’avoir, sans trop de peine, parcouru la moité de notre chemin.
Seulement, la sortie de ce gouffre fût bien plus éprouvante que tout ce que nous pouvions imaginer. La chaleur était torride et la pente bien plus raide qu’indiqué par Tula.
Arrivés au col situé en haut de ce canyon nous pensions avoir fait le plus dur. Mais il nous restait encore quelques heures de marche et autant de cols à franchir.
Le Nilgiri vu du col
La chaîne de l’Anapurna
Continuant notre chemin, nous avons croisé un régiment de 200 soldats Népalais et de quelques chevaux. L’un d’eux me demanda, par simple curiosité, d’où nous venions et où nous allions. Il me confirma alors qu’il s’agissait là d’une très grosse et difficile marche.
Eux n’étaient pas non plus au bout de leur peine. Ils transportaient un lourd barda, seulement aidés de quelques mules, dans l’optique de s’installer à la frontière Népalo-tibétaine.
Le reste de la mâtiné fût une succession de montagnes russes enchaînant les passages de cols.
Elle nous mena dans ce minuscule village où nous avions déjà fait une halte et où nous attendait notre petite éplucheuse de patates.
Après avoir avalé une assiette de “macronis” (« macaronis » étant orthographié de cette façon sur tous les menus des guesthouse du Mustang), je dois avouer que ce n’est pas sans traîner des jambes épuisées et tremblantes que je me suis remise en route.
Une longue descente nous attendait alors pour rejoindre le lit de la Kali Gandaki que nous avions quitté il y a déjà quelques jours.
Pour rejoindre le village dans lequel nous devions passer la nuit, nous devions subir une dernière épreuve. La mousson ayant fait gonfler le flux de la rivière il nous était impossible d’atteindre le village situé sur l’autre rive sans prendre un bain de pied.
Mané et Kansa, arrivés avant nous, nous faisaient de grands signes de l’autre côté de la rive. Puis finir par retrousser leur pantalon pour venir nous aider à traverser.
Chaussures et chaussettes autour du cou, pantalon remonté nous avons dû piétiner dans les eaux froides et agitées de la Kali Gandaki pour rejoindre le village. Ayant eu le pied fracturé quelques mois auparavant, marcher sur des rochers, dans des eaux boueuses et agitées après une si dure journée ne m’a pas vraiment enchanté même si j’en garde aujourd’hui un souvenir amusé.
Le soir, après une douche chaude (c’est suffisamment rare pour le notifier) et notre habituel dîner, mané et kansa avaient préparé un super gâteau d’anniversaire pour David (trop vieux pour que je cite son âge :P). Bien qu’épuisée, m’endormant à moité sur ma chaise, je ne l’ai pas moins apprécié.
Le profil de l’étape du jour :