De Lo Mantang à Tsarang

Laissant de côté le stress et l’agitation le temps d’un weekend, je me suis replongée dans mes souvenirs estivaux pour vous proposer quelques lignes relatant une nouvelle étape de mon parcours au Mustang.

Cette sixième journée de treck était un tournant dans notre périple, au propre comme au figuré, car après plusieurs jours de marche vers le nord nous changions de cap pour reprendre la direction du sud afin d’entamer la seconde partie de notre treck, synonyme de retours au point de départ, Jomoson et de découverte de nouveaux villages.
Une courte journée de marche, environ 5h, pauses incluses, allait nous emmener vers la seconde ville du royaume, Tsarang , pour y côtoyer ses quelques 800 habitants.
Quelques jours auparavant, nous avions décidé de modifier le parcours de notre treck afin d’y ajouter une étape qui nous permettrait de nous rendre jusqu’à la ville sacrée hindouhiste Mukhtinath. Or les villages où faire une halte sont rares et éparses au Mustang, il fallait donc équilibrer l’itinéraire au mieux en redécoupant notre parcours.
Nous avions donc décidé de quitter tranquillement Lo Mantang pour arriver à Tsarang en début d’après-midi, nous évitant, ainsi, d’enchaîner de très longues étapes.

Plongés au cœur de la vallée de Lo Mantang nos premiers pas se sont fait avec un dénivelé positif de près de 200m qui nous ont offert un point de vue remarquable sur cette citée que d’aucuns n’imaginerait trouver ailleurs que dans l’imaginaires des esprits aventuriers.

plaine désertique mustang

Vue sur la vallée de Lo Mantang

Poussés, ou retenus, par un vent à décorner les yack, dzo ou autres bovidés, je fût obligée de sortir la Goretex pour quelques heures et ce malgrè un soleil tapant déjà très fort en cette heure matinale. J’étais d’autant plus prudente et attentive aux coups de froid que je sentais poindre un mal de gorge qui aurait pu mettre en péril le plaisir des journées suivantes.
Cela dit, je savais qu’en cas de faiblesse je pouvais compter sur Tula, notre guide, Mané mais aussi Kansha mon porteur, un agriculteur élevant des buffalos et exerçant le métier saisonnier de porteur quelques semaines par an, lui permettant de gagner davantage d’argent qu’il le ferait autrement.

plaine désertique mustang

Le doux visage de Kansa capturé par Jean-Marc

Toujours aux petits-soins avec nous, il m’a été d’un grand réconfort lorsqu’il m’a aidé à venir à boût d’ampoules proportionnelles à la taille des montagnes qui nous entouraient, se dévouant pour me chercher une aiguille désinfectée, capable de les percer et de me permettre de marcher jusqu’à la prochaine étape. Etant donnée l’état de mes pieds (voilà le résultat quand on porte des chaussures un poil trop grandes), il avait même proposé d’ajouter à sa déjà lourde charge (mes affaires et celles de David soit environ les 20Kg légaux) mon sac à dos, ce que j’ai évidemment sur refusé.

En route vers Tsarang
La route de Lo Mantang à Tsarang n’est pas vraiment éprouvante, il faut juste penser à se protéger du soleil et du sable virevoltant avant d’entamer la longue descente vers Tsarang.
Les seuls éléments contre nous en cette journée étaient le soleil et la poussière. Pas de cols à passer sur ce trajet, seule la grimpette sur Tsarang en plein soleil demandait un peu efforts.

plaine désertique mustang

Même l’imposant chörten à mi-chemin entre Lo Mantang et Tsarang ne pouvait pas faire office d’oasis. Le soleil était bien trop haut dans le ciel pour qu’il nous apporte une quelconque ombre.

Arrivés dans le village, nous avons traversé des ruelles verdoyantes, presque désertes comme dans la plus part des villages visité, donnant l’impression que même ces lieux censés rassembler la vie étaient désert.
Mais en ce début d’après-midi la vie était ailleurs, dans l’espace pastoral que constituait la montagne et ne serait de retour qu’en fin d’après-midi, peu avant la tombé du jour, lors du retours des troupeaux

Nous croisions cependant ça et là des habitants afairés à leur lessive ou autre tâche ménagère prenant place en bordure des canaux d’irrigation. Là même où des femmes y lavaient leur longue et épaisse chevelure brune.
Dans une rue de ce silencieux village un visage me marqua, je me souviens encore aujourd’hui de cette jeune fille, au sourire radieux, qui, alors qu’elle laver tranquillement son linge nous saluat de multiples et chaleureux “Helloooo”.

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Après la douche la plus appréciable du treck de part la chaleur fournie par l’énergie solaire, prise dans une cabane de tôle dans le jardin de notre demeure d’un soir et un repas de momos bien trop épicés pour moi nous nous sommes rendus au “gompa pour la puja” (traduisez “au monastère pour la prière”).

Puja à Tsarang
Ce monastère datant de plus de 400 ans se trouvait à deux pas de l’ancien palais royal laissé à l’abandon datant approximativement de la même époque mais dans un état de délabrement bien plus avancé.

Nous sommes rentrés le plus discrètement possible dans le temple où nous avons pris place au rang des invités derrière une rangée de moines qui mangeaient, discutaient, priaient alors qu’une dame se chargeait de remplir leur bol de thé, de leur servir riz et pain tibétain.
Le thé nous fût aussi proposé, heureusement pour nous il s’agissait d’un milk-tea et non du butter-tea servi habituellement dans ces régions tibétaines. Il y a toujours un suspense intenable quand on vous propose un thé dans ces contrées, doit-on accepter une tasse au risque de se battre contre soi-même pour la terminer.

La puja débuta par un vacarme d’incantations, de cors, trompettes et tambours dissonants pour nos oreilles habituées à des sonorités plus radiophoniques.
Ce bruit littéralement assourdissant était pénétrant et de ce fait fascinant et envoutant.

L’atmosphère qui régnait dans cette salle ajoutait à la magie du moment. Seule une petite lucarne située au centre de la pièce à plusieurs mètres de hauteur et la porte entrouverte laissait passer la lumière, éclairant les fresques sublimes d’une lumière tamisée.
Un vent violent de l’après-midi faisait claquer les drapeaux à prière environnants qui dans leur mouvement faisaient varier la faible luminosité du temple.

Les moines d’abord assis, se levèrent pour entamer de nouvelles incantations. Des moinillons, suivis d’un cortège de trompettes, sortirent alors de la salle emportant avec eux leurs torma, ces gâteaux sacrificiels Tibétain constitués le plus souvent de tsampa, la farine d’orge grillée mélangée à l’eau afin d’en obtenir une mixture suffisamment constante pour la constitution de ces cônes.
Les portes furent alors fermées nous laissant à huit-clos avec la sereinité du moment.
Les incantations se poursuivirent un petit moment avant que les portes ne furent rouvertes.
Malgrès la solenité qu’il reignait dans cet endroit si particulier cela n’empêchait pas les moines de discuter, de plaisanter…

A notre sortie du monastère, l’esprit encore ailleurs, une jeune moine de 20 ans nous aborda, curieux de connaitre notre origine. Il nous indiqua que la prière du jour était exceptionnelle et correspondait à un rituel de “protection”.

Penser au privilège que j’avais de profiter de ces instants rares ayant toujours fait jaillir des étoiles dans mes yeux curieux du monde me fît oublier mes ampoules aux pieds.

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Nous rentrâmes nous reposer à l’hôtel “Kailash”, du nom de ce mont sacré pour les Tibétains, source inateignable de l’Indus, centre du monde et demeure du seul Shiva.
Un vent très puissant entrainant avec lui la poussière du désert nous y poussa. Aujourd’hui, des mois après le treck, la peausserie de mes chaussures en est encore imprégnée, et je trouve ça assez incroyable d’avoir ici, dans mon appart Lillois, ce souvenir ramené de si loin.


Guide pratique Lo Mantang – Tsarang :
– gueshouse Kailash : 3 chörtens (dans mon classement totalement subjectif et non-officiel) – nourriture 2 yacks mais évitez les momos à la patate, totalement indigestes et trop épicés ;
– A lire : les sherpas de L.S. Summer ;

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Le profil de l’étape du jour

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