#3 – Le Tosti … c’est fatty
30 minutes. C’est le temps moyen pris par mes collègues néerlandais, ou assimilés, pour leur pause déjeuner. Etant donné le menu, je m’accorde avec eux sur le fait qu’il ne soit pas nécessaire d’accorder plus de temps à la contemplation de son assiette, bien que chez Fairphone nous soyons favorisés au moins deux jours par semaine. Ces jours heureux, c’est Titia ou Olaf qui cuisinent. Des plats chaud, végétariens, sains, stimulent alors nos papilles et nos apétits las des “toasty”.
Le toasty est aux Pays-Bas ce que le saucisson est à Lyon. Prenez deux tranches de pain, de préférence sortant de fourneaux industriels, blanches comme un chicon ou noir comme du charbon, quelques centimètres carrés d’une pâte jaunâtre que ces gens prennent pour du fromage et faites votre choix parmi un assortiment de gras carnés à côté desquels, feu, mon saucisson Lyonnais semble “so healthy”. Empilez le tout et joignez vous à la file de collègues dans l’attente d’une place pour votre met dans cet instrument de convivialité qu’est le toaster. Oui, en attendant la fonte du fromage et le mélange des gras, il vous permettra de vous intégrer dans votre nouvelle entreprise en engageant la discussion avec les collègues que vous côtoyez moins fréquemment.
Pour le dessert, une tartine beurrée recouverte de Hagel Slag, des granules au vague goût de chocolat, sera tout ce que vous puissiez espérer.
Le toasty c’est… pas avec les mains :0
Vendredi midi, repas de travail avec mon business partner web. Rien d’extraordinaire ici que d’organiser des réunions en prenant son déjeuner. Je commande des “kroketten”, elles me sont servis avec deux épaisses tranches de pain complet et des crudités. Mon partner, un jeune néerlandais, me raconte alors qu’une fois, alors qu’il était au restau en Suisse, un endroit rempli d’une clientèle business, il fut choqué de voir des hommes en costard prendre leur sandwich entre les mains pour l’apporter à leur bouche.
Je me munie donc de mes couverts, dépose sur mes tranches de pains la salade et les crudités et m’escrime à découper mes tartines comme il se doit ici prenant soin de ne choquer personne. Cela n’a aucun sens.
#2 – Sunday sunny Sunday
Dimanche matin.
Du bout des doigts tirer le rideau pour jeter un oeil au ciel et juger de sa teinte. Il fait beau. Trois dimanches de suite, nos trois premiers, avec un réveil teinté de bleu, impensable. Romain n’aura pas à négocier des heures pour que je me lève pour aller chercher le croissants, notre rituel du weekend. Je veux profiter de cette lumière dominicale, en semaine, je pars alors que le soleil traîne en Pologne et le soir il est déjà partie voir ce qui se passe dans l’Atlantique. Il me manque ce grand voyageur, il ne passe pas assez de temps lors de ses escales neerlandaises.
Bref, la bouffe. Notre routine est bouleversée, notre vie serait elle en train de basculer vers des weekends plus sains? A l’heure de notre petit déjeuné, je me sens seule dans les rues habituellement animees de De Baarsjes et Oud-West. Albert Heijn : fermés, Bakker Dekker: fermés (Romain me dira: “tant mieux”). Je poursuis toujours rien. Seuls les cafés de la chaîne Coffee Company sont ouverts mais leurs croissants précuits hors de prix (il aurait pu les prémâcher pour ce tarif) ne me font pas envie. Un jour peut être je leur en prendrai un, mais fourrées au fromage comme ils s’en délectent. Une règle ici : si du gras il y a, rajoutant en une couche.
Nous nous contenterons du pain, très bon, acheté au marché bio de Jordan, pour lequel nous avons mis la vie de nos extrémités en danger tellement le froid était transperçant., et de confiture de “pompoen*” maison. Energie digeste avant notre désormais traditionnel footing de découverte de notre quartier.
Le premier nous avait emmené dans le Parc Rembrant dont l’entrée est au bout de notre rue. Le second et les suivants dans le Vondelpark, à peine plus loin. Certains des alentours bourgeois du parc nous transportent à Londres, d’autant qu’a Amsterdam on entends presque plus parler anglais que neerlandais. Les demeures sont somptueuses. La vie par delà les immenses baies vitrées de ces maisons inaccessible mais circonvoluer dans le cirque qu’elles forment ne me motivera à chausser les runnings encore un moment.
L’un de ces dimanches, nos foulées nous ont amené à traverser un ancien dépôt de tram, transformé en bibliothèque, cinéma , fablab et atelier d’art. Comme dans toutes les grandes villes du monde, les lieux de travail ouvrier produisent des endroits branchés en chaine et les ouvriers n’ont plus leur place dans les quartiers qui les entourent.
Dans la rue dans laquelle nous deboulons, comme dans de nombres du quartier des encombrants encombrent le passage. Romain, qui cherche des solutions pour que nous puissions ranger les 70m2 de notre appart Lyonnais dans les 50m2 de notre appart Amsteldamois, repère des étagères. La responsable de ce dépôt nous accoste avec un sourire bienveillant et nous propose, en francais avec un accent américain, de monter dans l’appart qu’elle est en train de vider pour y récupérer ce qui pourrait nous interesser. Les gros chanceux possèdent les quatres étages de ce vieil et charmant immeuble. Le retraité qui leur louait le dernier étage s’en va, a la campagne. Il laisse un appartement traversant, sans vis-a-vis. Je comprends ce monsieur. La raideur des escaliers des immeubles de cette ville semblent conçus pour exclure les populations vieillissantes, un peu comme le mobilier anti-sdf chez nous.
Des personnes âgées, nous n’en croisons presque jamais, mais leur goût pour la moquette dans les escaliers leur a survécu.
#1 – De la péniche à un flot de briques
Notre premier abri Amsteldamois, c’était un étroit et bien bas rafiot, une péniche louant de très sommaires chambres aux touristes.
Elle laissait les ondes fluviales nous bercer pour oublier la tempête intérieure, l’écume de nos esprits brassées les décisions à prendre de ces dernières semaines : tout quitter, ou non, continuer à suivre une carrière toute tracée dans des mastodontes français ou tenter de vivre selon nos idéaux, aller vers de nouvelles rencontres ou renforcer les amitiés bien installées.
Mais, le hublot de notre cabine avait beau être à peine plus grand que ma petite tête, nos perspectives n’étaient pas moins très larges. Nous étions là pour lancer notre nouveau départ, prendre le large, quitter la France pour s’installer pour de vrai dans un pays barbare.
De là, nous distinguions des “skyscraper” mais, bien que nous faisions face au gigantisme de la bibliothèque centrale et du conservatoire d’Amsterdam, les skyscraper n’étaient que les drapeaux accrochés aux mâts des bateaux et non des tours surmontées d’une enseigne du capital. Pour s’élever dans Amsterdam c’est donc par le biais de la culture qu’il faudra le faire, c’est elle la reine dans ce centre ville qui dispose des bâtiments les plus imposants, qu’ils aient 300 ans ou qu’ils soient hyper modernes. Tout cela était de bonne augure.
Deux semaines que nous sommes à Amsterdam. L’impression que la peniche de nos debut a largué les amarres et que l’expérience de la cale métallique et humide du bateau est deja loin. Notre chambre n’est pas très grande, ni très chaude, mais au moins nous ne dormons plus sur des lits superposés et n’avons plus a nous contorsionner pour rentrer chez nous quoique les escaliers des immeubles néerlandais semble toujours étroits. Ici rien ne tangue et la seule eau que l’on entend s’écouler est celle des radiateurs. Van Spilbergen Straat est un porte-conteneurs d’immeubles uniformes, mais charmants, en brique et aux boiseries blanches. Le cri des mouettes accompagne encore parfois notre réveil, celui que des chats plaintifs ou bagarreurs trainant dans le jardin sur lequel donne notre balcon ont déclenché.
Notre nouvel horizon s’appelle De Barsjes, et nous ne savons toujours pas en prononcer le nom.
Retrouver mes histoires et déboires d’installation aux Pays-Bas dans cet article:
heureusement pour votre régime alimentaire, vous avez trouvé un marché bio ………
le « vide-grenier » improvisé a été bénéfique ?
moi, je veux vivre dans une de ces péniches !!!
J’adore, je reconnais bien là ton écriture 🙂
merci Eric 🙂