Cette nouvelle journée s’annonçait comme l’une des plus belles, des plus émouvantes mais aussi la plus longue avec 9h de marche au programme. Elle allait nous mener vers Lo Mantang, la mythique cité fortifiée capitale du Mustang perdue en plein désert d’altitude.
La lecture de “Mustang : Royaume Tibétain interdit” de Peissel m’avait fait fantasmer cette cité moyenâgeuse où, il y a moins de cinquante ans, le roi et ses sujets pensaient se trouver au centre du monde, d’un monde plat, entouré uniquement de pays « satellites » tels que le Tibet, la Chine, l’Inde et quelque part au loin d’aussi minuscules qu’insignifiantes îles appelées Royaume et Etats-Unis.
Bref leur système de pensée était bien loin du notre. Isolés comme ils l’étaient, ils considéraient les Français comme des êtres bien abstraits, peut être une sorte d’Américains ou bien encore de citoyens de la couronne Britannique… et nous voilà donc, Isa, Jean-Marc, David et moi levés de bon matin pour une très longue journée vers l’une des cités les plus inaccessible et méconnue du monde.
A cela, j’y pensais depuis que Jean-Marc, l’initiateur du projet m’avait fait l’honneur de me proposer de l’accompagner une nouvelle fois en Himalaya (après le Ladakh en 2011) .
Je savais que ce voyage ne ferait pas de moi l’exploratrice avant-gardiste que j’aurai rêvé d’être, il m’aurait fallu naître un siècle plus tôt pour cela, mais qu’il me permettrait de prendre la pleine mesure de ce qu’avaient pu représenter de tels voyages 50 ans plus tôt alors qu’aucun occidental n’avait jamais passé Kagbeni.
Ce (grand) jour là, nous sommes donc partis une demi-heure plus tôt qu’à notre habitude après avoir ingurgité notre n-ièmme pancake et rechargé notre réserve de théine et caféine.
Le soleil était comme nous, à peine levé. Il ne réchauffait pas assez l’air pour que je parte sans enfiler ma Goretex et même, pour la première fois depuis le début du treck, une fine paire de gants.
Mais partir tôt nous a permis de profiter de son inédite lumière qui faisait apparaître, du haut d’une colline, un théâtre d’ombres tibétaines avec ses silhouettes de yack et de villageois.
Au bout de notre cinquième jour de marche nous avions assimilé le fait qu’une journée en Himalayas ne commençait jamais par une marche à plat, ou même sur du faux plat, mais par une petite montée de col.
Celle-ci s’effectua dans un dédale de roches érodés à la couleur jaunâtre.
Encouragés par les signes que nous faisaient Mané et Kansa du haut du col, partis plus tôt que nous comme à leur habitude, j’avais plutôt la pêche ce matin là et les rejoignis rapidement.
Déjeuné à Lo Ghyekar
Nous avions déjà raccourci nos pauses déjeuné les jours précédents, mais ce jour là la pause fût d’autant plus courte que le pique-nique prévu par Tula était immangeable et cela même après avoir subit les attaques acides de l’alimentation Indienne 7 mois durant. Tula et les porteurs avaient emporté avec eux des soupes de « noddle » chinoises déshydratées mais celles-ci étaient bien trop épicées. Dans des conditions normales j’aurai pris le risque de les manger mais je craignais que mes intestins n’apprécient guère l’affront et ne me fassent subir de désagréables représailles.
Ne restaient plus que le thé et quelques biscuits pour reprendre des forces pour la longue route qui nous attendait.
Là où nous avons mangé il était impossible d’acheter quelque vivres que ce soit, une dame vivait seule là à des heures de marche du prochain village. Elle ne semblait pourtant pas manquer d’occupation. Sans doute prenait-elle soin des quelques moines, deux ou trois peut être, vivants dans le monastère de Lo-Ghyekar en contre-bas.
Nouilles à Lo Ghyekar
Ce monastère nous nous y sommes arrêtés brièvement. C’était un monastère de la secte boudhiste Ngingpa du 8e siècle. Selon la légende le grand maitre Padmasambava le fit construire afin d’empêcher les démons d’entraver la construction du célèbre monastère Samya Gompa au Tibet.
9 heures à pied ça use les mollets
Après quelques heures de marche, passant cols après cols, David et moi avons de nouveau retrouvé Mané et Kansa qui faisaient une halte sur une plaine d’une verdure inespérée.
L’un des cols de la journée
Marchant vers eux nous avons dû contourner ce qui semblait être un “tibiat” de cheval (excusez ma méconnaissance de l’anatomie équine). Plus loin gisait le squelette entier de l’animal, il avait sans doute était dévoré par les vautours que l’on peut voir régulièrement tournoyer au dessus de nos têtes. Kansa m’offrit d’ailleurs une plume de duvet d’un de ces rapaces qu’il accrocha à mon sac jusqu’à ce qu’il me conseille de la cacher avant d’arriver sur Mukthinath, l’avant dernière journée de treck, là où la vie humaine reprenait ces droits et où il était donc évidemment interdit de faire l’étalage de trouvailles ayant appartenu à des espèces protégées.
La pause fût appréciable car après avoir fait un pas de traviolle sur un rocher j’ai ressenti une vive douleur au mollet. Au moindre pas de travers, soit à peu près à chaque pas sur ces sentiers loin d’être battus, la douleur se manifestait. A ce moment là je m’inquiétais sérieusement d’avoir une déchirure qui pouvait compromettre le reste du treck, soit un peu plus du double de ce qu’on avait déjà parcouru avec de gros cols en perspective.
Bien que cela faisait des mois que je pensais à cette journée et au fait de découvrir enfin Lo Mantang la journée me parut très longue et j’en oubliai presque l’avoir tant rêver, 9h de marche, ça use les souliers certes mais ça vous les remet sur Terre aussi.
A chaque passage de col nous espérions apercevoir Lo Mantang mais seule l’infinité des plateaux Tibétains s’offrait à nous.
Le désert, David et JM au loin
Il était difficile d’imaginer que quelque part, au bout d’une plaine désertique ou derrière les reliefs, se trouvait Lo Mantang alors qu’aucun signe de vie humaine n’avait été croisée depuis des heures.
Seuls quelques chörtens nous indiquaient que la région n’était pas un nomansland inexploré depuis que les plaques indiennes et eurasienne étaient entrées en collision il y a 40 millions d’années.
Le mirage Lo Mantang
Mais voilà, après un dernier col où flottaient les drapeaux à prière apparaissait enfin la cité emmurée, tel un mirage dans ce paysage de steppe situé à l’altitude moyenne du Mont Blanc.
Lo Mantang
La vue était magique, rien à redire là dessus, mais la ville semblait encore tellement loin, accessible seulement au bout d’une très longue longue descente.
David, Isa et moi à l’approche de Lo Mantang
Nous n’avons pas pénétré dans la cité fortifiée par une grande porte comme nous pouvons l’imaginer. Non, nous avons dû passer au dessus de petite murs délimitant les terrains des habitations en construction. Lo Mantang à beau se trouver au milieu d’une vallée désertique, la ville s’étend au delà de ces murailles rouges, les invasion craintes naguère n’étant plus d’actualité.
Soirée à Lo
Ma première soirée à Lo est d’avoir été la meilleure du treck. Je souffrais vraiment physiquement en arrivant à Lo, mollet, pied tout juste remis de mon opération, ampoules. Jétais épuisée. Nous ne rêvions tous que d’une chose, nous poser et pouvoir prendre une douche.
Cependant, les porteurs qui comme à leur habitude étaient arrivés avant nous afin de nous trouver un endroit où dormir n’avaient pas réussi à trouver un endroit pourvu du St Graal : la douche. A peine avions nous pénétré dans la ville que Tula nous a alors demander de l’attendre afin qu’il parte à la recherche d’un hôtel sympathique. Mes douleurs avaient pri le dessus sur le mental et je m’en suis voulu de n’avoir pu faire de ce moment le moment magique tant rêvé.
Enfin à l’hôtel je me suis couchée, dans ma polaire, recroquevillé dans mon duvet, j’ai dormi toute la soirée le moral au raz des steppes. J’étais persuadée de devoir finir le treck à cheval qui, ce qui en plus de me dépouiller de mes roupies, m’aurait terriblement déçue tant je tenais à aller jusque boût.
Mais ne craignez rien, l’aventure ne s’est pas arrêté là pour moi. La suite dès que j’ai un peu de temps…