Même si les moghol qui ont laissé leur marque à Delhi sont à l’origine des princes turcs, je ne chercherais pas de liens alambiqués entre Delhi et Istamboul pour justifier de la présence de cet article dans ce blog. Je ne me voyais juste pas acheter le nom de domaine Istanbulsjungle.com juste pour évoquer ce court séjour (quoi que d’autres suivront surement).
Voilà des mois, voir des années qu’un Géo spécial Istanbul bien rangé dans ma bibliothèque entre deux revues Long-Cours tentait de m’attirer aux confins cette Europe, Avrupa comme on l’appelle là bas, qui se fiche pas mal qu’un détroit, aussi beau et fort, soit-il veuille remettre en cause sa qualité de continens terra.
Les argentiques, fascinants, du Lyonnais Paul Veysseyre exposés au café Afghan des pentes de la Croix-Rousse et son récit, amoureux, d’une ville décrite telle une idylle a définitivement fait d’Istanboul une ville où j’allais aller traîner mon sac à dos.
L’envie irrépressible d’avoir quelque chose à découvrir, sans préjugés, présupposés, perspectives autres que celles d’avoir un nouveau sujet sur lequel disserter, une ambiance à photographier, tout simplement des choses à partager, celle de rêver plutôt que de planifier m’a compulsivement amené à acquérir un permis de rêver, ce bout de carton qu’on appelle communément “billet” car même le rêve se monnaie. C’est donc ainsi que, le vendredi 6 mars 2015, la routine était cassée.
Vendredi 6 mars 2015 – Vol vers le levant pour un couché enthousiasmé
Une dizaine de minutes après le décollage et durant plus d’une heure nous survolons les Alpes sans obstacle à l’éblouissement que provoquent les glaciers et neiges fraîchement tombées. Le Mont-Blanc y impose sa majesté et trône au milieu de ses prétendants suisses, italiens et français.
L’arrivée sur Istanboul se fait, au contraire, la tête dans les nuages et cela malheureusement au sens propre. Mais la météo peu clémente n’empêche pas d’incessantes vagues d’avions de déverser un flot continu de passagers dans le gigantesque aéroport Attatürk.
Les traits observés sont en majorité étrangers. Des touristes de toutes latitudes se retrouvent à faire la queue aux contrôles de l’immigration. Leur entrain ne semble pas freiné par l’accueil toujours blasé des policiers trappés dans leur guérite de verre blindé. Le mien non plus, il m’emmène avec hâte à l’extérieur de l’aéroport, humer pour la première fois l’atmosphère turque à la recherche de l’entrée du métro qui me permettra de rejoindre la très symbolique place Taksim.
Sans repère linguistique, l’achat de mon Istanbulkart, l’équivalent stambouillote de la Oister Card de la ville-monde britannique, n’est pas si simple, l’automate ne cesse de me répéter quelque chose que visiblement je n’arrive pas à capter. C’est là l’occasion de mon premier contact avec un stambouillote, qui très courtoisement m’aide à finir avec cette opération pourtant pas bien compliquée.
Près d’une heure plus tard, une heure à compter les minarets, je sors de la station Taksim dans le noir complet d’un début de soirée de fin d’hiver. Déception, la place du partage est sans vie. Les gens se dirigent tous dans la même direction, celle de l’avenue Istiklal où la trêve hivernale semble déjà laisser place aux soirées printanières. Quel contraste avec les abords de la place Taksim, un boucan impressionnant porte et répand une ambiance festive et conviviale dans une foule qui malgré sa mixité sociale et culturelle forme une même masse, happant même le voyageur le plus solitaire.
Alors que résonne l’appel à la prière du muezzin, un bout de patrimoine défile sur des rails. Ce vieux tramway reliant Taksim au Tünel déboule tirant un groupe de rock local qui à son passage brouille les ondes moins amplifiées des nombreux musiciens qui, de leurs cordes plus ou moins traditionnelles, contribuent à l’ambiance exceptionnelle de l’avenue.
Observant ébahie cette ambiance inattendue, pour une lire turc, je picore un simit, petit pain au sésame trimbalés de long en large de l’avenue sur les éventaires des marchands.
L’ambiance est à la fête et mon estomac me réclame d’y être intégré. Je me pose donc un Konak kebab, une chaîne de restau kebab plutôt classe pour y déguster une brochette de viande de mouton hachée épicée reconstituée en une brochette dénommé “adana kabab”. Necati, mon serveur anime mon repas. Tout en gardant de la distance me fait la conversation, à chaque fois qu’il a l’occasion de passer devant ma table. Cependant il profitera de la note qu’il devait m’apporter pour raccourcir cette distance et sans détour me proposer qu’on se retrouve dans un “Night Club” de Taksim…! J’avais lu que les turcs étaient très dragueur mais je ne m’imaginais pas avoir un rendez-vous (que j’ai évidemment refusé) au bout de 2 heure dans la ville.
De toute façon, à la sortie de ce restau, mon ventre plein était bien trop rebondi pour que je puisse danser sur quelque musique que ce soit.
Je rentrais dans mon auberge de jeunesse faire la connaissance d’Elisabeth, une jeune australienne ayant décidé de prendre un peu l’air en “Europe de l’Est”. Mon autre colloc d’un weekend, une californienne tentait de dormir malgré nos bavardages. Même si je prends beaucoup de plaisir à voyager avec des gens qui me sont chers, je dois avouer que j’en prends tout autant à voyager seule, les rencontres sont souvent plus spontanées.
Les différences et ressemblances amenuisent les distances.
Bref, on découvre des sourires amicaux et solidaires dans un voyage en solitaire.
Cette première soirée à Istanboul m’a comblé. Déjà je suis sur que je ne regretterais pas le voyage.
Voilà pour l’intro, la suite bientôt!