[Sham] Burning hot pif

Pour cette quatrième journée de notre treck, la marche nous emmenant à Ang en partant d’Hemis Shukpachan s’annonçait encore une fois très courte .
Quatre heures de marche suffisaient à effectuer le trajet. Cette journée fut néanmoins très riche. Tant quant à la opulence des paysages traversés qu’à l’abondance des questions culturelles qu’elle allaient nous amener à envisager.

Retour sur la journée passée à Hemis

La veille, nous avions bénéficié d’une journée de “repos” à Hemis Shukpachan. Une journée cruciale, qui devait faire cesser nos incertitudes. Arrivés depuis 5 jours au Ladakh, Romain semblait souffrir d’un mal aigu des montagnes. Nous commencions à nous faire sérieusement du souci et avions pris, lui et moi, la décision d’abandonner le treck si cette journée de repos ne lui apportait pas tous ses bienfaits. Heureusement, le sommeil, le farniente à observer la vie paysanne, et les bons soins de Dawa et Dodge furent bénéfiques. Nous pûmes reprendre la route vers Ang et envisager avec optimisme le passage du Burning Hot Pass (avec tout de même un cheval de secours en cas de faiblesse).

Cette journée « off » fut aussi marquée, pour Romain resté au camp, par le spectacle du débarquement à notre, jusqu’alors paisible, camp, d’un groupe de 25 américains et de toute l’intendance nécessaire à leur séjour. Alors que, depuis le début du trek, nous n’avions croisé qu’un couple de retraités britanniques, le tourisme de masse faisait son apparition dans cet endroit, où chacun voudrait garder pour lui les grands espaces.
Je crois bien que plus ce qui nous entoure semble sauvage et infini, plus nous voudrions en être les spectateurs privilégiés. Ou alors, est-ce la peur que de tels paysages finissent métamorphosés par les piétinements de la foule, comme si la gomme des “moonboots” de treckeurs ouvrait la voie à une nouvelle forme d’érosion, une érosion humaine à laquelle même les Himalayas ne pourraient faire face.

D’un point de vue plus terre à terre, ce n’est surement que l’idée du passage de 25 américains dans nos toilettes sèches qui provoquait chez nous dégoût et égoïsme…

Souhaitant conserver notre sentiment d’effectuer un voyage de privilégiés, en continuant à marcher dans le silence des grands espaces nous nous levâmes sur le pied de guerre, observant le groupe venu faire les trublions dans nos rêves d’exception.
Nous avions deux solutions , afin de ne pas subir les échos de commentaires américains s’entrechoquant sur les parois des falaises qui nous auraient frappés comme pour nous ramené à la réalité et nous rappeler que, qu’on le veuille ou non nous aussi bénéficiions de l’ouverture du Ladakh au tourisme de masse et que ce voyage n’avait sur d’exceptionnel à l’échelle du monde de la montagne (même si pour moi un voyage au Ladakh reste une immense chance dont j’ai bien conscience qu’elle ne s’offre pas à tous).
Entre partir bien plus tard et bien plus tôt nous fîmes le choix de partir le plus en avance possible pour ne pas finir en tête de leur peloton de shorts et jambes blanchies de crème solaire.

Burning hot pass

Notre objectif sportif du jour : franchir le Burning Hot Pass, renommé “Burning Hot “Pif”” en référence à la couleur de ma protubérance nasale qui a la fâcheuse tendance à s’attirer tous les UV.

Burning hot pass

Burning Hot Pass

Le col ne fut pas si dur à franchir, nous n’étions pas en plein été et le soleil ne tapait si fort. Mais il nous offrit ce que le Ladakh a de meilleur, le mélange de couleurs des montagnes qui, gâtées par la géologie, étaient avait parées des plus variés minéraux.
Le rouge du zinc, le vert de la serpentine, l’ocre de la molasse… que les sommets enneigés de la chaîne du Ladakh sublimaient de leur éclat.

La route du burning hot pass

Sur la route du col

Romain, lui, remontait la pente peu à peu et n’eut pas trop de mal à suivre le rythme.
Ce qui était la bonne nouvelle du jour.

La route du burning hot pass

Passage du col

Une fois au col, retrouvant Dawa, notre cuisto, et Dodje son assistant, qui, bien que partis après nous, finirent par nous dépasser. Nous y attendîmes nos horsemen afin de leur remettre le “joker” du jour de Romain car il n’en aurait visiblement pas besoin pour la descente vers Ang.

Les chevaux arrivent

Les chevaux arrivent

Ang
La descente ne fut pas tout à fait de tout repos. Elle fît souffrir nos articulations tant le sol était sec et incroyablement dur.

Ang se découvre

Ang se découvre

A l’entrée du petit hameau, alors que Dawa, Dodje et les horsemen étaient en train d’installer le camp, nous fîmes face à un groupe d’enfants, agglutinés autour l’attraction inattendue en ce dimanche après-midi.
Ang ne semblant pas disposer de terrain permettant d’accueillir les treckeurs, peu doivent donc y faire halte ou s’aventurer dans ces ruelles.

Un vieil homme, passant par là, accoutré d’une tenue probablement obtenue de l’un des 150 000 militaires qui doublent la population Ladakhi, pris l’initiative de nous porter main forte en dégageant ça et là quelques pierres importunes.

Rinzing, notre guide, après avoir habillé le lit de la rivière de ses vêtements tout juste lavés dans ses flots, nous entraîna faire le tour du village.

Ses habitants s’avéraient encore plus accueillant que dans les autres villages traversés jusqu’ici. Sans doute était-ce lié au passage sporadique des touristes en son sein.
Ce village ne manquait pourtant pas d’intérêt.
Jamais un “Juley” (bonjour) n’était dispensé sans un sourire ou un amical geste de la main.
Les enfants parfois nous suivaient un moment.
Certains, trop habitués aux “touristes-poules” les gâtant de bonbons et de stylos, nous réclamaient ce genre de cadeau.
La plupart du temps, c’était juste la curiosité qui les poussaient à suivre nos pas. Tout sourire ils se prêtaient facilement au jeu de la photographies, rigolant en se voyant apparaître dans nos écrans.
Un vieil homme homme, lui, semblait simplement heureux du passage d’étrangers s’intéressant à son village.
Le regard bienveillant de ses yeux plissés de malices ne nous quitta que lorsque nous disparûmes de son champ de vision.
Sur le chemin du retour, nous le retrouvâmes, assis sur son toit, actionnant son moulin à prière, à côté d’abricots séchant au soleil, et nous saluant avec toujours autant de bonté.

Ang se découvre

La tradition et la parabole

La rue principale du village sur laquelle nous cheminions était bordée, d’une part, de florissant potagers et, d’autre part, des toits des maisons couverts de fourrage et d’abricots.
Les potagers des Ladakhis sont d’un bucolisme qui donne envie de mettre les mains à la terre et devenir acteur de vie végétale.

En contre bas, les champs, secs, s’étendaient tant bien que mal entre deux ocres pentes vertigineuses, disposés en terrasses, clôturés afin de protéger les récoltes du bétail errant à son gré.

Ang se découvre

Champs à Ang

En amont du village, nos pas nous menèrent jusqu’au monastère quintuple centenaire d’Ang, gardé par une chèvre au regard bouffon, dont les murs de glaise mettent en abîme 500 ans d’évolution de peinture Tibétaine.
Vu de l’extérieur, le monastère se distinguait des autres batisses du village par son style bicolore, rouge et blanc, le rouge indiquant que cette partie du bâtiment abritait la représentation d’une divinité protectrice.

Rebroussant chemin vers notre campement, Rigzin, chaussé de tongues, s’entailla l’orteil en glissant sur un cailloux. Lucie, infirmière, qui s’occupa de nettoyer sa blessure sans conséquence, sous le regard épris d’enfants ayant trouvé là une nouvelle curiosité à observer.

Docteur House

Docteur House

Nous craigions alors que tout le village vienne défiler pour faire soigner ses bobos mais il n’en fût rien. Le spectacle terminé, les enfants reprîment leurs occupations, à savoir : nous observer, nous faire des démonstrations de lutte et nous observer de nouveau comme nous pouvions nous même le faire lorsque nous croisions une scène de vie Ladakhi.

Peu après la blessure de Rigzin nous croisâmes un trio de moines, dont un très jeune arborant un drapeau américain sur son sweat à capuche. Comme bon nombre de moines à cette époque de l’année, ils offraient leurs tournées de bénédictions à chaque foyer.
Ceci expliquant pourquoi la plupart des monastères présentait porte close lors de nos passage.
Exibant leur dungchen du haut des rooftops, ils bercèrent notre nuit de sonorités typiquement tibétaine.

Moines jouant du dung

Moines et leurs dungchens

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