Peut être parce que j’ai grandi dans le plat pays je suis fascinée par l’Himalaya et voyage régulièrement au Népal et Ladakh. Depuis quelques années mon amoureux me rejoint sur ces voyages en haute altitude. Le problème : si je m’acclimate en général très vite et ai été « déçue » d’arriver fraîche en haut de mon premier 5000m pour Romain c’est une autre histoire. Il fait parti de ces 15% de français dont le corps ne déclenche pas les processus d’acclimatation assez rapidement, ce qui peut être extrêmement dangereux et qui est handicapant dans tous les cas.
Malgré cela, après beaucoup de réflexion nous avons décidé de faire le trek qui nous ramènerait de 2 mois au Ladakh jusqu’à l’Himachal Pradesh, marchant à très haute altitude entre 4600 et 5600 m, avec plusieurs nuits à plus de 5000m et un col glacière victorieux à 5600m.
En tous cas, nous avons conscience qu’il s’agissait sans doute pour nous de notre unique chance de réaliser un trek en très haute montagne car nos deux mois d’acclimatations ont été décisifs.
Sommes nous des inconscients ? Non. Alors comment combiner notre passion avec ce problème ?
Si nous sommes allés au bout de ce trek ce n’est pas parce que nous nous sommes surpassés ou que nous sommes naturellement des sur-hommes mais parce ce que nous avons pris toutes les précautions.
Si j’écris cet article c’est que je pense que les gens prennent à la légère ce mal qui peut être dramatique et qui n’atteint pas que les alpinistes sur l’Everest ou les gens sous entraînés.
Bien sur, Romain est docteur mais pas en médecine alors cet article n’a aucune prétention scientifique.
C’est quoi le MAM ?
Le MAM : Mal Aigu des Montagnes est lié à un manque d’acclimatation à l’altitude allant du mal à de tête, de la fatigue aux œdèmes pulmonaires et cérébraux.
La liste des symptômes pondérés permet de donner une note à votre mal aigu des montagnes et potentiellement vous sauver la vie alors apprenez là par cœur ou imprimez là avant de partir : voir l’échelle sur le site de Trekmag par exemple.
Qui est touché ?
Tout le monde peut l’être. Être sportif de haut niveau n’y change rien.
J’avais été agacé de lire un chroniqueur de Libération au Népal se vanter de son acclimatation « sûrement lié à ses 10 ans de pratique d’aïkido et à ses footing à Fontainebleau »… Risible et dangereuse chronique.
Comme Romain, 10 à 15% des personnes l’éprouvent à moins de 2000 mètres d’altitude, près de 50% en souffrent entre 3000 et 4000 mètres, et ce chiffre passe à 75% entre 4000 et 5000 mètres.
Chaque année l’ambassade de France au Népal organise entre 35 et 50 évacuations sanitaires héliportées lié au MAM. L’Himalayan Rescue Association (toujours au Népal) comptabilise 2500 à 3000 consultations annuelles dont une centaine sont des cas aigus.
Les signes
Il y a deux ans, lors de notre premiers séjour commun en Himalaya, Romain a vécu sa première expérience de haute montagne lors d’un trek au Ladakh à relativement basse altitude (+/-3500m). Après 3 jours d’acclimatations à Leh nous sommes partis pour le trek dont le début c’est mal passé : vomissement, troubles digestifs, fatigue inimaginable… Symptômes qui ont finalement disparus après une journée de repos décisive : nous avions pris la décision d’appeler une jeep pour rentrer à Leh s’il n’allait pas mieux à son issue.
Puis lors d’une rando de 4 jours dans les Alpes (le tour des glaciers de la Vanoise) pourtant bien plus bas (+/- 2500m) il présentait de nouveau ces symptômes : très à la traîne et troubles digestifs.
Alors si vos amis traînent de façon exagérée en rando ce n’est peut être pas juste qu’ils manquent d’entraînement ou de bonne volonté mais sans doute qu’ils ne s’acclimatent pas.
Et méfiez-vous! On va en général très bien les premiers jours, ce n’est que les 3eme ou 4eme jour que les symptômes apparaissent.
La Fédération Française de Montagnes et d’escalade aime à faire passer le message “Tout malaise ou symptôme en altitude doit a priori être considéré comme un défaut d’acclimatation. “. Ce n’est pas parce qu’on est en Himalaya indien que le mal de ventre est une tourista. Durant une bonne partie du séjour j’ai eu le ventre gonflé comme une baudruche et la redescente améliorait ce désagrément.
Notre préparation ?
Suite à ces mésaventures Romain a consulté un médecin au centre de médecine de montagne de Lyon. Il lui a fait passer des tests en hypoxie pour évaluer la capacité de son organisme à s’adapter à l’altitude. Le verdict : comme on pouvait s’en douter il faisait parti des 15% de la population à ne pas pouvoir s’adapter “normalement”.
Romain a beau avoir pratiqué plus de 10 ans l’escrime en compétition, se déplacer en vélo et faire de la grimpe ce n’est pas ça qui prépare à un trek si haut.
La semaine avant le départ pour nos trois mois sur le plateau Tibétain nous passions encore nos soirées à discuter de l’éventualité de revenir sur notre décision de faire ce trek. Plus l’échéance approchait plus je me disais que c’était de la folie qui n’en valait pas la peine d’autant que là bas, assurance Vieux Campeur ou pas, le PGHM ne viendrait pas nous chercher.
Et puis je dois dire que je m’inquiétais pour moi aussi maintenant que je connaissais bien les conséquences du mal des montagnes. Je n’avais jamais eu de problème en altitude et la trop grande confiance en mon acclimatation qui en decoulait n’était-elle finalement pas un aussi grand danger?
Aucune préparation physique ne pouvant éviter le problème nous avons donc uniquement misé sur le fait que nous allions passer deux mois entre 3700 et 4300m, qui permettraient de nous acclimater et de nous tester. Surtout nous nous étions promis de ne pas nous “cacher” nos éventuelles difficultés. Au moindre doute, nous laisserions tomber la partie “trek” de notre voyage.
Ainsi, au bout de 3 jours de trek et une première nuit à 5000m nous avons décidé de prendre une journée de pause car Romain était anormalement fatigué. Le reste du trek c’est très bien passé même si la redescente du Parang La (5600m) a été laborieuse.
Alors avant de partir :
- renseignez-vous : par exemple en lisant ce document de la FFME
- faite les tests en hypoxie pour dépister votre éventuelle prédisposition dans un centre de médecine de montagne
- Ne partez pas faire un trek à 5000 m si vous n’avez jamais fait l’expérience de séjour de plusieurs jours à une altitude plus basse
- Faites valider l’itinéraire de votre trek par votre médecin de montagne : pas plus de 300m d’altitude supplémentaire entre chaque nuit. Dans tous les cas prévoyez du temps pour vous acclimater en ne faisant rien.
- Faites vous prescrire du diamox, médicament facilitant l’acclimatation
- Laissez votre égo à la maison, redescendez au moindre symptôme!
Bref vous l’aurez compris pas de préparation ou de solution miracle .
[Apparté] Aller au Ladakh en s’acclimatant
Pour se rendre aux Ladakh les deux principales solutions sont :
- Prendre l’avion depuis Delhi et atterrir directement à Leh
- Faire la route en bus en au moins 4 jours.
Nous avons opté pur la seconde parce que l’avion ça pollue mais aussi parce qu’elle nous paraissait la meilleur pour s’acclimater. Elle prend bien plus de temps, n’est pas très confortable mais permet de monter progressivement. De Delhi il faut deux jours pour atteindre Manali à 2000m, une 3eme journée emmène à Keylong (3000) ou Sarchu (4200), avant de passer la dernière aux alentours de 5000m pour enfin arriver à Leh.
Nous avions également fait le choix de passer quelques jours à 2000m à Manali pour nous reposer/acclimater avant de reprendre la route, le stress et la fatigue empêchant une bonne acclimatation.
Et si comme Romain vous restez dans le bus sans faire le moindre effort alors que tout le monde court prendre des photos à la moindre pause vous devriez bien vivre la montée :).
encore un article qui mériterait d’être largement diffusé !!
très utile pour les 15 % de gens qui souffrent de ce mal, mais pas que !!
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